Le château Winson

 

Le château Winson
Ancien Hôpital des Soeurs Grises

Avec son monastère, érigé en 651, saint Feuillen avait prévu un «Hospice », maison d'accueil pour les moines irlandais « Scots » qui continuaient de venir sur le continent, mais aussi pour les pèlerins, les voyageurs et les pauvres.

Où était-il situé ? Dans l'enceinte du monastère ? Le doyen Crépin, qui a beaucoup potassé notre histoire locale, a cru que ce monastère se situait ici, en Leiche. Il se fondait sur quatre arguments : 1) au début du XXe siècle encore, le lieu était dit « à l'Abbye ». - 2) juste en face de cette entrée du château, un chemin dénommé «Sentier Saint-Ultain » mène vers le lieu-dit Sinton où se trouvait une chapelle appelée « oratoire Saint-Ultain » (le frère de Feuillen) ou encore « de sainte Agathe ». - 3) dans le parc, un peu en contrebas, se voit « 1'Etang du Prévôt », dont nous parlerons tantôt. - 4) Non loin d'ici se trouve la « Fontaine Saint-Feuillen ».

Mais depuis les fouilles de J. Mertens en 1952, on sait que le monastère de S. Feuillen devait se trouver à l'emplacement actuel de la collégiale et de la place du Chapitre. Mais l'Hospice ? Etait-il ici ? On ne peut le dire.

UN « HOPITAL »

En tout cas, on sait de source sûre que les moines irlandais ont été remplacés, vers 910, par un Chapitre de Chanoines. Et au Moyen Age, la bienfaisance était l'affaire de l'Eglise et notamment des monastères et institutions religieuses. Poursuivant l'oeuvre de saint Feuillen, le Chapitre a donc fondé ici un Hôpital, non pour des soins chirurgicaux comme on l'entend aujourd'hui, mais pour l'accueil des voyageurs et des pauvres, leur assurant le gîte et éventuelllement des soins sommaires.

Cette institution charitable reçut des statuts vers 1090: le Cartulaire de Borgnet en donne copie. On y trouve une série de précisions sur le fonctionnement

- L'Hôpital est « attaché à notre église » : c'est donc bien une institutionn religieuse .

- Il est créé dans un but de charité, pour secourir les pauvres, les malades et les étrangers.

- Il est doté d'une partie de la dîme commune du Chapitre, puis en outre des fournitures de

farine, de foin, des legs de biens.

- Les soins sont assurés par des frères infirmiers. Le directeur doit être d'une ardente charité ; il est nommé par le Prévôt et soumis à la direction du doyen du Chapitre à qui il doit faire rapport deux fois par an.

- On ne peut admettre d'animaux dans l'Hôpital. Mais les chanoines ou des laïcs qui veulent se retirer du monde peuvent y être admis.

- Le gardien de l'Hôpital doit aussi visiter les malades en ville.

- Une chapelle y fut consacrée par l'Evêque Henri de Verdun (mort en 1091) et on y célébrait la messe trois fois par semaine ; le prêtre qui en était chargé recevait pour cela un pain chaque jour (un pain blanc un mois, un pain noir le mois suivant)... Il touchait aussi la moitié des offrandes lors des fêtes. Les registres paroissiaux renseignent qu'une quinzaine de mariages ont été célébrés en cette chapelle.

LES SOEURS GRISES

Mais les guerres, le désarroi, « le défaut de bon gouvernement» firent que la gestion de l'Hôpital laissait à désirer ; aussi, en 1514, le Chapitre fit appel aux Soeurs Grises de Beaumont pour remplacer les frères infirmiers. On trouve dans les archives paroissiales les noms de 66 religieuses décédées en cet Hôpital de Fosses où elles se dévouaient.

A la fin du Moyen Age, une curieuse obligation incombait à l'Hôpital : lorsque les milices fossoises partaient aider les troupes du Prince-Evêque, il devait fournir un chariot avec 4 chevaux.

Les guerres du XVIe siècle furent désastreuses pour cet Hôpital : il fut incendié par les soldats d'Henri II en 1556 et ruiné par les Huguenots en 1568. La reconstruction, dans l'état actuel de l'immeuble, date donc du début du XVIIe siècle. Dans une pièce du rez-de-chaussée on voit encore deux portes d'armoires marquées aux noms de «Soeur Magdeleine Doignies 1661 » et « Soeur Thérèse Haloy 1668 ». Mais en fait, la partie d'accueil des malades et voyageurs, « l'Hôpital » se situe non dans le château actuel mais dans le bâtiment en face, aménagé par la suite en garage pour voitures et écuries pour une dizaine de chevaux. A côté du château, une ferme fut très tôt aménagée pour apporter des revenus supplémentaires : elle porte de nom de « Cense des Béguines » et présente de fort jolies portes cintrées en pierre datant du XVIIe siècle.

A la Révolution française, cette propriété religieuse fut vendue à Jean-Lambert Dejaifve pour 2.500 livres. Elle passa ensuite à la famille Winson, qui l'occupe encore aujourd'hui. Elle fut aménagée en une superbe résidence, dotée d'un bel escalier monumental, d'une salle à manger remarquablement meublée et décorée, mais nous ne pourrons voir aujourd'hui que le hall d'entrée car les pièces du rez-de-chaussée sont occupés par les propriétaires comme chambres à coucher. Mais rien que ce coup d'oeil vous donnera une idée de la richesse de ce patrimoine.

L'ETANG DU PREVOT.

Le parc du château est remarquablement entretenu et au fond se situe une vaste pièce d'eau, bordée de beaux arbres séculaires : c'est « 1 Etang du Prévôt ». Il est alimenté par le «Ri des Chapelains » qui vient du Try al Hutte et dont le nom rappelle un autre type de religieux de l'époque, à côté des chanoines. En principe les chapelains assuraient le service d'une chapelle.

Le Prévôt (du latin praepositus, mis pour, remplaçant) était le représentant de l'Evêque, choisi par lui, habituellement au sein de la communauté locale ; il avait tous les pouvoirs : direction de la vie spirituelle, surveillance de la discipline, gestion du patrimoine et même la justice. Mais peu à peu ses pouvoirs passèrent au Doyen du Chapitre et si on connaît les noms de 7 Prévôts, le dernier cité disparaît en 1400 et c'est donc le Doyen qui assure ces diverses charges.

Cet étang qui lui appartenait et porte son nom fut cédé au Doyen déjà en 1210 ; il fut ensuite propriété du Chapitre et on y élevait du poisson pour la communauté de l'Hôpital.

Au mur du côté sud de la propriété se voit un grand porche cintré en pierre de taille, maintenant bouché d'un mur de briques ; c'était la « porte cochère » du château et elle est nommée « Porte Saint-Joseph » : une potale renferme une statue du saint.